Les croyances
De la croyance à l’insulte
L’origine des croyances
Les croyances sont sacrées
Une croyance chasse l’autre
La qualité des croyances
La croyance en Dieu
De la croyance à la foi
Quelques citations
C’est au moment de l’adolescence que je suis rentré en dissidence avec l’église et avec la foi de mes parents. J’avais alors deux arguments de poids :
– toutes les atrocités commises au non des religions, hier et encore aujourd’hui
– toutes ces personnes qui vont à l’église, y font la paix et se jalousent à peine sorties
En résumé, les croyants étaient pour moi de "dangereux hypocrites". Ces arguments ont eu la vie dure et bien des années plus tard je souhaite faire le point avec les croyances en général et la religion en particulier.
Voici donc mes croyances sur les croyances...
De la croyance à l’insulte
Il nous est certainement arrivé à tous de participer à des débats politiques au sein de nos familles et de constater que systématiquement les esprits s’échauffent, le ton monte et que cela pourrait même dégénérer dans certains cas.
On peut observer la même chose sur certains forums engagés et cela est parfaitement illustré par la Loi de Godwin dont l’énoncé est le suivant : « Plus une discussion s’allonge, plus la probabilité d’y trouver une comparaison avec les nazis ou avec Hitler s’approche de un »
Ces deux exemples illustrent de manière indolore une constante humaine : dès lors qu’un homme est mis en danger au niveau de ses croyances il peut (re)devenir un animal féroce.
Ces exemples ont comme base de départ un désaccord, c’est à dire deux croyances différentes sur une même question, rien de grave ! L’autre point commun est de ne pas supporter ce désaccord et de vouloir infléchir l’autre. Ensuite cela peut varier, si les deux points de vues sont solidement argumentés, la discussion peut durer des heures et se terminer par épuisement, si par contre un point de vue est mieux argumenté que l’autre alors cela peut dégénérer, le moins argumenté va devenir de moins en moins rationnel, de plus en plus émotionnel...
Si on extrapole à l’échelle d’une société, on peut légitimement redouter ce qui peut s’ensuivre et on tient là l’origine de bien des massacres.
Tout cela semble déraisonnable, l’homme se comporte comme s’il était en danger alors que c’est simplement ce qu’il croit qui est remis en cause. C’est pourtant si constant que l’éventualité doit être envisagée, un homme menacé dans ses croyances est peut-être un homme en danger, mais en danger de quoi ?
Remonter à l’origine des croyances permettra de le démêler un peu mieux.
L’origine des croyances
Pour percevoir l’origine des croyances, je me représente une planète qui n’est guère plus qu’un îlot de chaleur dans une obscurité glaciale. Sur cette planète, un animal entouré de prédateurs mais doué pour la survie car la peur est là qui le maintient constamment éveillé et peut le doper en présence du danger. Parmi ces animaux peureux, un presqu’homme qui s’éveille à la conscience, un don sublime qui lui permet d’accéder à une certaine compréhension de son univers et une malédiction qui lui apprend qu’il va mourir.
Que faire d’un tel cadeau ? Se laisser mourir ou s’accrocher, mais pourquoi s’accrocher ? Parce que je n’ai pas le choix ou parce que je crois... La croyance est née !
Ainsi les croyances m’apparaissent comme des stratégies fondées sur l’espoir pour survivre dans un univers hostile.
Les croyances sont sacrées
Si les croyances s’effondrent, c’est bien la survie qui est en jeu. On conçoit bien qu’un effondrement brutal de ce en quoi l’on croit (Dieu, famille, science...) peut avoir de déstabilisant. C’est à mon sens côtoyer la folie voire y sombrer.
D’ailleurs je ne connais pas d’homme sans croyances, sauf peut être un fou. Pas étonnant que tant de cultures puissent considérer les fous comme des sages, ils le sont.
J’envisage donc les croyances comme des remparts contre la peur et la folie et je ne m’étonne plus qu’un homme ou une société menacée dans ses croyances puissent être à l’origine de massacres, c’est une tragique et pourtant simple histoire de survie.
Ces massacres ne sont pas le fait des croyances elles-mêmes mais la conséquence du non respect des croyances entre elles. Attaquez une croyance vous récolterez un carnage.
Une croyance chasse l’autre
Les croyances peuvent évoluer, c’est ce qu’il faut souhaiter d’ailleurs à la plupart et c’est ce qui leur arrive. On peut croire que la connaissance réduit le besoin de croire, je crois personnellement l’inverse. Les croyances sont nées en même temps et à cause de notre compréhension de l’univers et plus cette compréhension grandit plus le besoin de croyances augmente. Pour chaque question résolue, dix nouvelles se posent...
Comme je l’évoquai plus haut, je ne connais pas d’homme sans croyances. On peut modifier ses croyances, réduire le nombre de ses croyances mais peut-on supprimer toutes ses croyances quand ne pas croire en quelque chose c’est encore croire ?
Avons-nous un autre choix que de vivre en harmonie avec les croyances des autres ?
La qualité des croyances
Certaines croyances sont-elles meilleures que d’autres ? C’est la question la plus dangereuse qui soit. Croire que certaines croyances sont plus utiles, meilleures, plus belles c’est commencer à attaquer les autres croyances avec les conséquences que l’on sait déjà .
Les massacres commis au nom d’une croyance ne suffisent plus à me convaincre qu’une croyance n’est pas saine, c’est le lot de toute croyance menacée et une croyance prendra toujours la place d’une autre, le cercle peut être sans fin...
Les croyances qui respectent l’individu (et donc ses croyances) les croyances qui permettent d’agir pour le bien et sans distinction des croyances d’autrui auront quant à elles une chance de me faire envie et d’en témoigner à mon tour.
Il n’y a donc pas de bonnes et de mauvaises croyances. Le mal que l’on fait au nom d’une croyance, c’est l’histoire qui se répète une fois de plus, c’est aussi l’ironie de l’histoire : une croyance destinée à nous aider à survivre nous précipite à notre fin. Bref, c’est stérile, il n’y a que la place que l’on accorde à d’autres croyances et ce que l’on fait de bien au nom d’une croyance qui peut signifier quelque chose.
C’est bien dans l’action altruiste et dans le respect des croyances différentes que se situe l’enjeu des croyances. Témoignons par nos actions de nos croyances plutôt que par nos arguments. C’est ce qui leur donne un vrai rayonnement.
La croyance en Dieu
La croyance en Dieu se confond avec la dimension spirituelle de l’homme. Elle est aussi vieille que l’homme et pour cause, elle est née avec lui et c’est elle qui distingue le plus l’homme de l’animal.
Plus mon sentiment de sécurité augmente, plus ma croyance en Dieu s’estompe ou plutôt se fait moins présente. Plus je me sens vulnérable, plus la nécessité de Dieu se fait sentir. On reproche parfois à la croyance en Dieu d’être inspirée par la peur, c’est pourtant le lot de toutes les croyances sans exceptions. Il serait plus objectif de constater que l’athéisme est né dans des sociétés offrant un minimum de sécurité et de confort et de reconnaître que ce sentiment de sécurité intérieure est un beau et fragile cadeau de la société et qu’il reste encore l’apanage d’une minorité privilégiée. C’est aussi à cette sécurité relative que les connaissances doivent d’avoir pu se développer. Les sciences ont de nos jours des prérogatives fortes sur ce que l’on appelle la vérité ou la réalité. Je regrette de rencontrer chez certains scientifiques une intransigeance comparable à celle qu’avaient certains religieux quand ils détenaient ces prérogatives. L’histoire est-elle vaine, y compris pour des esprits aujourd’hui éclairés ?
La croyance en Dieu est-elle au même niveau que la croyance au Père Noël ? Certaines personnes pourtant cultivées rangent la croyance en Dieu au même niveau qu’une superstition. Cela me paraît très dangereux. Toutes les croyances ne sont pas du même niveau et la croyance en Dieu est bien souvent l’ultime croyance. Par ultime croyance, j’entends la dernière croyance avant le désespoir. Si quelqu’un est au bord du gouffre et trouve un réconfort grâce au Père Noël, nous devrions être capable de ne pas ridiculiser le Père Noël en sa présence. Si nos croyances ne nous le permettent pas, alors que valent-elles ?
Nous avons tous une ultime croyance même si les circonstances de notre vie ne nous l’ont peut être pas encore révélée. Nous avons à apprendre à vivre avec des ultimes croyances différentes. C’est déjà difficile pour des croyances simples et sans enjeux mais c’est encore plus nécessaire pour les ultimes croyances. On ne peut pas ne pas savoir co-exister avec des ultimes croyances différentes et déplorer par ailleurs les massacres perpétrés au nom de ces croyances.
Au delà de ces considérations et si je me replace dans le vrai contexte de la croyance, c’est à dire l’action, ce sont les destins de ceux qui ont su cultiver leur dimension spirituelle qui m’inspirent le plus, qui m’apprennent qu’il est possible d’être digne et de respecter les croyances d’autrui.
On imagine volontiers le maître spirituel comme une personne distante des contraintes terrestres et de son temps. C’est pourtant bien le contraire. Si vous replacez Jésus dans son époque, vous pourriez bien découvrir un révolutionnaire, il a d’ailleurs révolutionné l’occident. Y’a t’il beaucoup d’hommes d’actions qui pourraient comparer leurs réalisations à celles d’un Gandhi ?
Non, décidément, la voie spirituelle n’est pas celle de la contemplation mais celle de l’action et de la plus belle des actions : celle qui permet à l’homme de conquérir son humanité.
De la croyance à la foi
Sur les chemins de la croyance, on peut rencontrer la foi, mais sous ce mot "foi" bien des réalités peuvent se dissimuler.
La foi telle qu’elle m’apparaît, c’est une croyance que l’on ne peut pas menacer parce qu’elle ne peut pas se sentir menacée. Une croyance si fusionnelle avec l’homme qu’elle n’est plus une compagne mais lui-même.
La foi, ne pouvant être menacée, a ceci de merveilleux qu’elle ne peut provoquer de conflits. Mais la foi est bien rare et à ceux dont je suis qui n’ont pas cette grâce, il reste la conscience. Quand la croyance se sent menacée, la conscience peut se manifester, reconnaître le piège des croyances et restaurer un climat de confiance.Cette conscience en action est belle aussi, au delà de la croyance, peut-être nous mène-t’elle à la foi...
Seule la conscience que nous avons de nos croyances peut nous aider à vivre en harmonie avec des croyances différentes. Des milliers d’années de vie en société et de souffrance ne nous ont pas encore permis de le mettre en pratique mais je garde cet espoir...
Quelques citations
Quelques citations qui m’ont guidé dans cette réflexion :
« L’homme n’a inventé Dieu qu’afin de pouvoir vivre sans se tuer. » Dostoïevski
« Ce qui est étonnant, ce n’est pas que Dieu existe en réalité mais que cette idée de la nécessité de Dieu soit venue à l’esprit d’un animal féroce et méchant comme l’homme, tant elle est sainte, touchante, sage, tant elle fait honneur à l’homme. » Dostoïevski
« La peur est la malédiction de l’homme. » Dostoïevski
"Supposons que Dieu n’existe pas. D’où vient alors tout le mal dont l’homme est capable ? Vous êtes bien obligé de reconnaître qu’il vient de l’homme et de nulle part ailleurs. Ce qui m’émerveille chez les athées, ou du moins chez certains d’entre eux, c’est que, ayant perdu la confiance en Dieu, ils puissent continuer de la garder en l’homme." Shafique Keshanjee
"Dieu n’est pas venu supprimer la souffrance. Il n’est même pas venu l’expliquer. Mais il est venu la remplir de sa présence." Paul Claudel
"Croire ou ne pas croire en Dieu relève de la même attitude, l’ignorance.
Si vous vous contentez de croire en Dieu alors vous ne Le connaîtrez jamais.
On ne peut connaître Dieu en se contentant de croire en Lui, il faut expérimenter Dieu.
Libérez-vous de la croyance, devenez un connaissant."
"Dieu est l’alibi du Diable." Nietzsche
« Mourir pour des idées, d’accord, mais de mort lente... » Georges Brassens
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