L’homme et l’animal

Des rats et des scientifiques

L’homme et l’animal

L’expérience
L’homme serait un rat ?
Alors quoi ?

Voici le récit d’une expérience scientifique menée sur des rats. On la généraliserait volontiers aux sociétés humaines mais ce n’est pas sans risques. Quelles lectures peut-on donc avoir de cette expérience ?

L’expérience

Hiérarchie chez les rats

Fontana-Antonietta-Gonsalus-homme-animal

Une expérience a été effectuée sur des rats. Pour étudier leur aptitude à nager, un chercheur du laboratoire de biologie comportementale de la faculté de Nancy, Didier Desor, en a réuni six dans une cage dont l’unique issue débouchait sur une piscine qu’il leur fallait traverser pour atteindre une mangeoire distribuant les aliments. On a rapidement constaté que les six rats n’allaient pas chercher leur nourriture en nageant de concert. Des rôles sont apparus qu’ils s’étaient ainsi répartis : deux nageurs exploités, deux non nageurs exploiteurs, un nageur autonome et un non nageur souffre-douleur.

Les deux exploités allaient chercher la nourriture en nageant sous l’eau. Lorsqu’ils revenaient à la cage, les deux exploiteurs les frappaient et leur enfonçaient la tête sous l’eau jusqu’à ce qu’ils lâchent leur magot. Ce n’est qu’après avoir nourri les deux exploiteurs que les deux exploités soumis pouvaient se permettre de consommer leur propre croquette. Les exploiteurs ne nageaient jamais, ils se contentaient de rosser les nageurs pour être nourris.

L’autonome était un nageur assez robuste pour ramener sa nourriture et passer les exploiteurs pour se nourrir de son propre labeur. Le souffre-douleur, enfin, était incapable de nager et incapable d’effrayer les exploités, alors il ramassait les miettes tombées lors des combats. La même structure - deux exploités, deux exploiteurs, un autonome et un souffre-douleur se retrouva dans les vingt cages où l’expérience fut reconduite.

Pour mieux comprendre ce mécanisme de hiérarchie, Didier Desor plaça six exploiteurs ensemble. Ils se battirent toute la nuit. Au matin, ils avaient recréé les mêmes rôles. Deux exploiteurs, deux exploités, un souffre douleur, un autonome. Et on a obtenu encore le même résultat en réunissant six exploités dans une même cage, six autonomes, ou six souffre-douleur.

Puis l’expérience a été reproduite avec une cage plus grande contenant deux cents individus. Ils se sont battus toute la nuit, le lendemain il y avait trois rats crucifiés dont les autres avaient arraché la peau. Moralité : plus la société est nombreuse plus la cruauté envers les souffre-douleur augmente. Parallèlement, les exploiteurs de la cage des deux cents entretenaient une hiérarchie de lieutenants afin de répercuter leur autorité sans même qu’ils aient besoin de se donner le mal de terroriser les exploités.

Autre prolongation de cette recherche, les savants de Nancy ont ouvert par la suite les crânes et analysés les cerveaux. Or, les plus stressés n’étaient ni les souffre-douleur, ni les exploités, mais les exploiteurs. Ils devaient affreusement craindre de perdre leur statut privilégié et d’être obligés d’aller un jour au travail.

Bernard Werber (Encyclopédie du savoir relatif et absolu)

L’homme serait un rat ?

Ou plutôt : l’homme n’est guère différent des rats finalement ? Voilà une conclusion qui pourrait venir à l’esprit et d’autant plus facilement que ce qui est décrit au travers de cette expérience correspond à une certaine réalité de ce dont sont capables les humains. Oui les hommes se comportent comme des rats !

Quelles sont les conséquences d’une telle conclusion ? Tout d’abord une vision plutôt dégradée et brutale de l’humanité. Une dégradation d’autant plus forte et dure à faire évoluer qu’elle se pare des attributs de la science. On aurait beau jeu de décrire cette expérience scientifique à une personne ayant une vision plus noble de l’homme qui ne pourrait se fonder que sur quelques exemples et aucune étude sérieuse.

Quelles sont les conséquences d’une vision dégradée de l’homme ? Une vision dégradée de l’humanité condamne l’humanité à cette dégradation. Cela peut paraître excessif mais cette vision nous rend réceptif à des messages du type "on ne peut arriver à rien avec cet homme là, il faut le dresser !". Tout se passe comme si nous avions créé une petite brèche dans un tissu, tôt ou tard cette brèche sera la cause d’un déchirement de l’ensemble du tissu.

Alors quoi ?

C’est d’abord la science au travers de cette expérience qui nous le dit. Il y a une confusion dangereuse entre la science qui est un ensemble aux frontières mal délimitées et la méthode scientifique qui au contraire est très cadrée et irréfutable. La méthode scientifique impose qu’une expérience soit observable et reproductible. Quel scientifique se risquerait à affirmer que 6 hommes dans une cage développeraient de manière systématique des comportements aussi stéréotypés que ceux observés chez des rats ?

Cette expérience fait apparaître que les rats sont moins stressés dans le rôle de l’exploité que dans celui de l’exploitant et pourtant ils continuent d’adopter des comportements stressants. Cela va d’ailleurs à l’encontre d’une vision de l’animal en totale harmonie avec son environnement. Là aussi l’homme sombre facilement dans ces travers, la propriété le pousse à acquérir des alarmes et la position sociale le pousse à être méfiant. Mais là encore l’homme est capable de contredire cette mécanique et de préférer vivre en harmonie avec lui-même et son environnement.

Tant qu’il y aura un homme pour contredire une telle expérience, il y aura un espoir et un exemple pour les autres, et oui l’homme restera bien plus qu’un animal.

"La non-violence est la loi de notre espèce tout comme la violence est la loi de l’animal." Gandhi

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