L’homme et la machine

Duel au sommet

L’homme et la machine

D’une certaine manière, on pourrait considérer que l’homme a remporté le premier round. "L’adversaire" était alors l’ensemble du règne animal et l’homme a su devenir bien plus qu’un animal...

Quel pourrait être l’adversaire du second round ? Si le sort est ironique, alors l’homme sera probablement confronté à l’une de ses créations. Le second round pourrait ainsi opposer l’homme à ses machines. A moins que la nature n’exige une revanche...

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Dans la perspective d’une telle compétition, la description de cette expérience avec des robots rapportée par Bernard Werber est assez édifiante.


"Encyclopédie du savoir relatif et absolu" - Bernard Werber

Coopération, réciprocité, pardon

En 1974, le philosophe et psychologue Anatole Rapaport de l’université de Toronto émet l’idée que la manière la plus "efficace" de se comporter vis à vis d’autrui est :
– la coopération
– la réciprocité
– le pardon.

C’est-à-dire que lorsqu’un individu ou une structure ou un groupe rencontre un autre individu, structure ou groupe, il a tout intérêt à proposer une alliance. Ensuite il importe, selon la règle de réciprocité, de donner à l’autre en fonction de ce que l’on reçoit. Si l’autre aide, on l’aide ; si l’autre agresse, il faut l’agresser en retour, de la même manière et avec la même intensité. Enfin il faut pardonner et offrir de nouveau la coopération.

En 1979 le mathématicien Robert Axelrod organisa un tournoi entre logiciels autonomes capables de se comporter comme des êtres vivants. Une seule contrainte : chaque programme devait être équipé d’une routine de communication, sous-programme lui permettant de discuter avec ses voisins.

Robert Axelrod reçut 14 disquettes de programmes envoyés par des collègues, universitaires également intéressés par ce tournoi. Chaque programme proposait des lois différentes de comportement (pour les plus simplistes, deux lignes de code de conduite, pour les plus complexes, une centaine), le but étant d’accumuler le maximum de points.

Certains programmes avaient pour règle d’exploiter au plus vite l’autre, de lui voler ses points puis de changer de partenaires. D’autres essayaient de se débrouiller seuls, gardant précieusement leurs points et fuyant tous contacts avec ceux susceptibles de les voler. Il y avait des règles du type : "si l’autre est hostile, l’avertir qu’il doit modifier son comportement puis procéder à une punition". Ou encore : "coopérer puis obtenir des défections surprises provoquées par un système aléatoire".

Chaque programme fut opposé 200 fois à chacun des autres concurrents. Celui d’Anatole Rapaport, équipé du comportement CRP, (Coopération-Réciprocité-Pardon), battit tous les autres.

Encore plus fort : le programme CRP, placé cette fois au milieu des autres en vrac, s’avéra au début perdant devant les programmes agressifs, mais finit par être victorieux puis même "contagieuxª au fur et à mesure qu’on lui laissa du temps. Les programmes voisins constatant qu’il était le plus efficace pour accumuler des points, alignèrent en effet leur attitude sur la sienne.

Source

Que retenir d’une telle expérience ?

Son côté scientifique pourrait être tentant pour l’homme en quête d’une règle de vie qui ait fait ses preuves. Plus besoin de se poser de questions, il suffit d’appliquer une recette assez simple pour sortir vainqueur ou ex-aequo (à moitié perdant ou à moitié gagnant celon le point de vue) de la plupart des situations que la vie nous propose. Une recette efficace et simple, serait-ce le paradigme de l’Homme ?

Si c’est le cas, alors les machines n’ont-elles pas partie gagnée ? Pour être raisonnable et efficace, je ne saurais jamais égaler une machine. Mes doutes ou mon sentimentalisme finiront bien par me trahir.

Cette expérience, tous les livres de recettes, le culte ambiant de l’efficacité me conduisent à méditer un peu plus cette réflexion :

"Donner un verre d’eau en échange d’un verre d’eau n’est rien ; la vraie grandeur consiste à rendre le bien pour le mal" Gandhi

Il est intéressant de remarquer que les hommes ayant su pratiquer cette réflexion sont restés dans la mémoire des Hommes.

Plus j’intériorise cette réflexion, plus je me rends compte de sa difficulté, elle peut paraitre déraisonnable et c’est justement ce qui la rend si humaine... si peu machinale ! Elle pourrait démentir cette redoutable interrogation : et si les machines étaient préférables à l’Homme ? ...

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