Nos chères illusions
Comprendre est un pas vers le changement, et changer est un pas vers la liberté mais en avons nous vraiment envie ? Je suis convaincu qu’une part de chacun de nous est hostile à la liberté parce que la vérité, seule libératrice, est effrayante.
Ainsi, nous préférons souvent des mensonges solidement argumentés ou agréablement déguisés à une vérité trop difficile à assumer. Il en va ainsi des illusions que chacun transporte avec lui sur l’entreprise, les hommes, les animaux, l’amitié, la famille, l’amour et qui sont d’autant plus illusoires qu’elles ressemblent à des certitudes.
L’histoire (empruntée) qui suit a la vertu de nous confronter à notre penchant pour nos chères illusions.
– Mon pauvre homme, allez-vous vraiment passer la nuit sur la berge ?
– Oui, répond le clochard.
– Je ne puis supporter cela. Je vais vous emmener chez moi, où vous passerez la nuit confortablement après avoir pris un bon dîner.
La jeune femme presse le clochard de monter dans la voiture. Ils sortent de Londres et arrivent devant une immense résidence entourée de jardins. Un majordome leur ouvre la porte et la jeune femme lui dit :
– James, je compte sur vous pour installer cet homme dans le quartier des domestiques. Veillez à ce qu’il soit bien traité.
Ce que fait James. Quelque temps après, la jeune femme, déshabillée et prête à se mettre au lit, se souvient soudain de son invité. Elle enfile une robe de chambre et emprunte un corridor pour se rendre au quartier des domestiques. Voyant passer un rai de lumière sous la porte de la chambre dans laquelle le clochard a été installé, elle frappe, entre et trouve l’homme éveillé.
– Que se passe-t-il brave homme, n’avez-vous pas reçu un bon repas ?
– Je n’ai jamais fait de meilleur repas de toute ma vie madame.
– Avez-vous assez chaud ?
– Oui, le lit est chaud et confortable.
– Peut-être avez-vous besoin de compagnie. Pourquoi ne me feriez vous pas une petite place ?
Sur ces mots, elle s’approche de lui. Alors l’homme recule pour lui faire une place et tombe dans la Tamise.
Edifiant non ? On a envie d’y croire et on se dit que ne pas y croire c’est renoncer à toute forme de rêve pour une vision cynique de la vie.
Et pourtant, la vie pour se révéler n’attend rien d’autre qu’un observateur à l’écoute de la réalité, attentif, éveillé et suffisamment averti pour ne pas replonger dans la première illusion venue.
Ecrire ces quelques lignes aura peut être été pour moi un moyen de mieux repérer le délicieux piège de mes illusions dans lequel j’aime temps me prélasser (il faudrait lire ’tant’ mais le lapsus me plait).
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