L’exercice du miroir
Se regarder dans un miroir, voilà un acte narcissique qui nous fait passer d’un monde à trois dimensions vers un monde à deux dimensions, nous y perdons bien du relief.
Devenir son propre reflet dans un miroir et observer celui que nous croyons être, voilà une inversion qui ne manque pas de profondeur et l’exercice peut être riche.
Notre reflet nous fait prendre conscience...
Le sportif n’aime pas le jouisseur...
Je suis un homme dont la volonté de fer me permet de dépasser ma souffrance, d’épuiser mon corps. En me regardant dans mon miroir, mon physique élancé et mon regard d’acier me confirment que je suis bien cet homme de volonté et j’y trouve du plaisir.
Mais que voit mon reflet ? Il ne voit pas tant un homme qui se dépasse mais quelqu’un qui suit son penchant naturel. Il voit qu’il me faut plus de volonté pour rester inactif qu’il ne m’en faut pour gravir ce col et souffrir. Il voit qu’il me faut plus de volonté pour me contenter d’une simple marche qu’il ne m’en faut pour courir ce marathon.
Le jouisseur n’aime pas le sportif...
Je suis un homme que l’idée même d’effort épuise. Je suis un homme qui a su dépasser une certaine culture de la souffrance pour accepter sans remords les douceurs d’un monde qui en regorge et que tant se refusent. J’observe bien dans mon miroir la mollesse de ma silhouette mais l’esprit est bien supérieur au corps !
Mais que voit mon reflet ? Il voit plutôt quelqu’un qui suit son inclination et se rassure. Il voit un intellectuel qui n’a pas l’honnêteté d’esprit de reconnaitre à quel point il lui est pénible d’accepter une quelconque discipline physique.
L’exercice du miroir est très riche, il est la chance de prendre conscience de la manière dont nous auto-renforcons nos certitudes. Il nous permet de gagner en profondeur et nous ouvre des perspectives nouvelles.
J’espère qu’il en sera ainsi des idées développées dans la rubrique Miroirs qui seront tour à tour soumises à leur reflet.
... que nous auto-renforcons nos certitudes
L’HOMME ET SON IMAGE
Un Homme qui s’aimait sans avoir de rivaux
Passait dans son esprit pour le plus beau du monde :
Il accusait toujours les miroirs d’être faux,
Vivant plus que content dans son erreur profonde.
Afin de le guérir, le Sort officieux
Présentait partout à ses yeux
Les conseillers muets dont se servent nos Dames ;
Miroirs dans les logis, miroirs chez les Marchands,
Miroirs aux poches des Galands,
Miroirs aux ceintures des femmes.
Que fait notre Narcisse ?
Il se va confiner
Aux lieux les plus cachés qu’il peut s’imaginer,
N’osant plus des miroirs éprouver l’aventure.
Mais un canal, formé par une source pure,
Se trouve en ces lieux écartés :
Il s’y voit, il se fâche ; et ses yeux irrités
Pensent apercevoir une chimère vaine.
Il fait tout ce qu’il peut pour éviter cette eau.
Mais quoi, le canal est si beau
Qu’il ne le quitte qu’avec peine.
On voit bien où je veux venir :
Je parle à tous ; et cette erreur extrême
Est un mal que chacun se plaît d’entretenir.
Notre âme c’est cet Homme amoureux de lui-même ;
Tant de miroirs, ce sont les sottises d’autrui,
Miroirs, de nos défauts les peintres légitimes ;
Et quant au canal, c’est celui
Que chacun sait, le livre des Maximes.
Jean de la Fontaine
> Haut de page <