Vache folle

Sachons en tirer une leçon

Vache folle

"A l’occasion d’une expédition scientifique en Papouasie dans les années 50, le chercheur américain C. Gajdusek découvre le mal étrange qui affecte une peuplade reculée de la région. Les hommes et les femmes de la tribu sont atteints, à n’importe quel âge, de troubles de la locomotion et de l’expression. La maladie empire vite et conduit à la mort. Gajdusek peine d’abord à identifier les clés du mal. Il constate simplement que les femmes et les enfants sont plus touchés que les hommes. Il comprend mieux en découvrant les pratiques de cannibalisme de la tribu. Ce peuple mange ses morts, les muscles étant réservés aux hommes, le cerveau aux femmes et aux enfants. En 1956, Gajdusek décrit une des premières grandes maladie à prion chez l’homme : le kuru, traduction locale d’agitation ou tremblante. Son hypothèse est simple.

vache

Il y transmission de la maladie par le cannibalisme, les muscles étant moins contaminants que le cerveau. Etrange parallèle avec la situation actuelle. Une fois le constat établi, il persuade la tribu d’abandonner sa coutume, ce qu’elle fait en 1959. Les cas de kuru diminuent vite dans les années qui suivent. Mais un temps de latence est défini : la maladie apparaît au plus tôt après 5 ans, en moyenne 12 ans après la contamination, et peut survenir jusqu’à 40 ans plus tard. Un cas a en effet été identifié récemment dans la tribu, toujours suivie. Gajdusek a obtenu le Prix Nobel de médecine en 1976 pour ses travaux."

Rappelons que c’est à la consommation de farines d’origine animale que l’on attribue cette maladie de la vache folle. C’est donc par un acte de cannibalisme que les vaches se sont elles aussi trouvées infectées.

Je suis affligé par l’histoire de la vache folle mais dans un même temps j’y trouve une leçon supérieure. Hommes, vaches, cochons, fougères, poissons... nous sommes le fruit d’une sélection naturelle, d’une sorte de loi de la jungle qui a permis la reproduction des êtres les plus adaptés mais aussi la disparition des espèces les moins adaptées à l’environnement de leur temps. Souhaitons que ce sort nous soit épargné.

Pour cela, rappelons-nous que nous appartenons à la nature et que ses lois sont aussi les notres. Une espèce qui pour se reproduire est amenée à consommer sa propre substance, à pratiquer le cannibalisme, a clairement adoptée une stratégie en forme d’impasse selon les lois de la nature. La sanction pourrait être la disparition progressive de l’espèce mais visiblement les lois de la nature sont enracinées plus profondément dans nos métabolismes comme si des précédents dans l’histoire des espèces avaient déjà existé. De ces précédents qui n’auraient pas survécus, il resterait dans le "programme" de ceux qui ont poursuivi la voie de l’évolution une information interdisant les pratiques cannibales et les sanctionnant dès leur réapparition.

Ceux qui observent la nature savent à quel point celle-ci est remarquablement organisée, ils ressentent cet adage populaire "la nature est bien faite". La maladie de la vache folle résonne en moi comme un rappel de cette profonde harmonie.

Cet interdit du cannibalisme me fait par ailleurs penser à un autre interdit inscrit dans la plupart des espèces et dans toutes les tribus humaines, il s’agit de l’interdit de l’inceste. De la même manière, la nature sanctionne l’inceste par la dégénérescence des espèces et rappelle que c’est dans la diversité et dans l’ouverture au monde que se trouve l’avenir.

Pour conclure, je me rappelle avoir vu dans un reportage l’histoire d’une tribu de pêcheurs en pirogue. Sur chaque pirogue, il y a ceux qui rament et celui qui par son habileté et sa claire vision tient le harpon. Pour récompenser son habileté et entretenir sa vue, le harponneur se voyait systématiquement attribué les yeux de ses victimes, succulent festin.

Même si cela ne m’ouvre pas l’appétit, je préfère de loin le bon sens de cette pratique alimentaire.

(mars 2001)

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